Discours d’introduction de l’évènement de restitution intitulé « DéborNement(s) »
La Maison d’enfants a souhaité introduire une dimension culturelle au sein de l’établissement pour découvrir une cohérence, par un cheminement d’œuvres entre les différents sites de la MECS.
Les notions d’habitat et parcours voulait être appréhendé d’une toute autre façon que par notre appréhension ordinaire. Le parcours de Mme Champigny, plasticienne reconnue, diplômé des beaux-arts et détentrice d’un prix de la Fondation de France et initiatrice de résidences d’artistes (Mutuum), s’est posée comme une choix naturel puisque dans sa pratique elle a su développer sur la région ses compétences artistiques dans le cadre de la médiation artistique relationnelle. Son travail est d’une certaine façon « conceptuel » ou plutôt « contextuel », c’est-à-dire qu’elle pense le lieu, l’habitat comme étant au-delà des murs. Cette réflexion fait sens et recherche du sens avant que de penser au matériau des différentes créations* unifiées dans une logique d’une configuration qui s’adapte à notre singularité tout en la débordant, un des sens de ce déborNement(s)… Au fur et à mesure la résidence de Mme Champigny, la maison d’enfants s’est dès lors découverte des attitudes et des formes qui ont ouvert des possibles et modifié les représentations que nous pouvions avoir de ce lieu habité. Ce déborNement nous a ouvert aussi une porte celle de la médiathèque de Sainte Foy la Grande.
Habiter ce lieu, une maison d’enfants, est inséparable de l’attente – donc de la temporalité – et du mouvement de ces hôtes. Comment et dans quelles conditions les enfants, déplacés, comme dans une forme d’exil, peuvent habiter ce lieu de résidence. Il y a une mise en demeure. Et la demeure est ce lieu d’hospitalité. La question de l’accueil est celle de l’attente qui est au cœur de la dimension du temps. Le territoire d’accueil se propose comme d’une permanence, fait de contours, de délimitations qui sont autant de possibilités de franchissement, d’échappée. Les histoires s’offrent au quotidien et ou plutôt ce quotidien tisse l’hospitalité. Il y a un nomadisme où se mélange les origines, les histoires, les langues…il y a des mailles métisses qui se conjuguent. Il y a du tissu donc du texte. Ce texte peint l’hospitalité. Elle n’est pas première. Elle s’origine dans un familier, dans un rapport au monde qui se façonne. Mais ce familier risque de l’être trop. Il peut enfermer et contraindre les échappées. « L’habitude m’avait empêché de jamais les voir », tout semblait vouloir coïncider parfaitement. Il fallait que ce lieu, cet archipel puisse devenir féérique, ouvert sur le ciel, celui-là que l’on oublie. Un désir qui est devenu nécessité de proposer une visite nouvelle de ce lieu bruyant de nos pas pourtant foulé régulièrement. N’y avait pas lieu de se défaire d’une adéquation fonctionnelle de notre espace et de penser une configuration toute autre. N’y avait- pas lieu, dès lors, de se mettre à l’œuvre. Pas de cette œuvre d’art qui prend place, comme cela, un matin, comme d’un ornement que l’on admire et qui finit par force du temps à s’évanouir dans l’habitude des passants.
Il était impensable de penser une démarche de l’art pour l’art. Compte tenu de ce que nous sommes, l’artiste qui se présentait au seuil, Mme Champigny, au fil de son parcours artistique, a montré dans ses réalisations passées qu’il y avait une réflexion artistique sur l’humain et l’habitat mais une pensée qui ou l’habiter dépasse les murs et d’insuffler une force créatrice qui autorise chacun à s’affranchir de sa condition. Son accueil, son immersion ont été une déambulation à la recherche d’un sens pour vivre cette liberté de proposer un ensemble cohérent avec un sens poétique sur nos lieux habités fonctionnels.
Cela a été l’occasion de rencontres, de cheminement, d’itinérances, de surprises…parce que le lieu, revisité, a vu surgir des œuvres éphémères qui rappellent le temps, l’échappée et l’attente….et puis des matières ont tissé des archipels féériques tournées vers le ciel, d’autre d’apparence plus brute qui ont créé des phylactères et des spoons qui ont ouvert à la légèreté , à l’invention, à la liberté et à l’expression. Et toutes ses formes engagent un dialogue avec des formes géométriques.
« La géométrie est aux plastiques ce que la grammaire est à l’art de l’écrivain. »Apollinaire. En deux ans il s’est écrit, il s’écrit encore, et les enfants font œuvre et la pluie efface les coups de craie. Au-delà des œuvres, cela fait œuvre. Valérie Champigny a également animé par une conférence sur les Droits culturels au cours du notre séminaire annuel où les salariés ont pu entendre que la Maison d’Enfants était une « œuvre » au sens ou chacun apporte à cette mosaïque à reconstruire chaque jour. J’ajouterais : parce qu’il un apport une relation entre ces œuvres extérieures et l’œuvre que chacun est. Et toutes celles-ci, comme le langage, ont tissé un lien entre les différents espaces de la maison d’enfants, une re-liance….et les enfants, comme les adultes ont fait un voyage inattendu tel des nomades qui traversent un monde ou plutôt qui façonnent le paysage. Et nous sommes sortis du paysage pour un autre qui s’invite et qui s’inventent.
P.Lesenne, directeur de la Maison d’Enfants à Caractère Social (Dordogne)
*Listes des créations réalisées dans le cadre de cette résidence :
– Le message en braille
– Coopter le phylactère
– Le Cheminement des cailloux
– Les Archipels Féériques
– La Spoon, réceptacle de convivialité.
– L’Enseigne de l’iMMMensité
– accompagné par de multiples actions participatives (cailloux, pomme de terre…)