» Savons-nous voir ? Les photographies de Valérie Champigny contiennent cette question en filigrane. Elles nous interrogent sur une acuité qui nous fait défaut – reconnaissons-le – en nous révélant ce à côté de quoi nous passons avec indifférence, persuadés que rien de tout cela ne mérite un regard. Elles donnent à reconsidérer le paysage familier d’un quotidien ordinaire dont on ne soupçonne pas l’aptitude à nous toucher. Les tableaux photographiques de Valérie Champigny ont ce curieux pouvoir de révéler la beauté de l’insignifiance, de donner du charme au dérisoire, d’extraire d’une monotonie apparente une lecture inédite et sensible. À une époque où l’image doit fasciner, se faire saisissante par une surenchère d’effets ostentatoires, on se surprend à rêver devant le degré zéro du spectaculaire, l’absence totale d’artifice, devant une photogénie des lieux communs où affleure une poésie de la modestie. Valérie Champigny arrête le temps et son objectif sur des bouts de rien, des espaces sommaires, des non-événements, de vagues terrains où l’humain est souvent absent ou en retrait, où la vie semble assoupie, flottante et silencieuse, loin du tumulte et de la frénésie urbaine. On pense à certains paysages d’Edward Hopper ou encore chez Jeff Wall, pris dans une torpeur similaire ; mais ici la photographie restitue un monde en l’état, tel quel, sans la distance que crée la peinture. À ses images, la plasticienne ajoute des légendes descriptives ou encore en clins d’œil, des commentaires amusés où pointe une ironie en douce, une fausse candeur, une dérision tout en retenue qui nous dissuade de la prendre avec trop de sérieux. Valérie Champigny zoome sur ses paysages tout en prenant du recul avec ses mots. Un regard libre. »
Denis Reynes